Biélorussie : Auto-organisation invisible et spontanéité forcée.

Biélorussie : Auto-organisation invisible et spontanéité forcée

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Biélorussie : Auto-organisation invisible et spontanéité forcée

I. Un mouvement de quartier

Dans les médias, on voit quelques exemples de « protestations de cours d’immeuble», à Minsk. En fait, cela n’est que la pointe de l’iceberg. L’auto-organisation au niveau de quartier, contre le régime, est beaucoup plus large. Normalement, les gens d’un quartier ouvrent un canal public sur Telegram, pour discuter des événements en cours et des actions communes. Il y a des dizaines, au moins, d’initiatives de ce type qui se sont formées autour de canaux apparus ici et là en Biélorussie, pendant le dernier mois.

La pratique la plus répandue consiste à mettre des rubans blancs et rouges sur la clôture d’une cour d’immeuble, pour créer une image alternative du « drapeau national » blanc-rouge-blanc. Habituellement, une telle composition ne dure pas plus d’un jour. Ensuite, elle est détruite par les autorités locales. Cependant, après un moment, les rubans sont de nouveau à leur place. En se promenant dans les quartiers de Minsk le soir, on peut en voir beaucoup.
Parfois, les habitant.e.s de ces quartiers font une « chaîne de solidarité », c’est-à-dire une file de personnes qui se tiennent au bord de la route avec des drapeaux et parfois avec des slogans.

Dans certains quartiers, les gens vont plus loin. Ils/elles font des réunions, des activités communes et elles/ils organisent aussi des cortèges locaux pour se rendre tou.te.s ensemble à la manifestation hebdomadaire, qui a lieu chaque dimanche. Dans certains quartiers, il y a une réunion tous les jours, au soir.

Il y a aussi des idées pour organiser des formes d’« autodéfense locale ». En ce moment, cela prend surtout la forme de groupes de guetteur.euse.s, dont la tâche est d’avertir leurs voisin.e.s si la police arrive. Normalement, la police intervient à l’occasion des réunions locales, en demandant de retirer les drapeaux et autres symboles et en poussant parfois les habitant.e.s à rentrer chez elles/eux. Parfois cela donne lieu à des affrontements et des arrestations.

Le développement des initiatives de quartier est une grande source d’inspiration, tout comme le fait que les anarchistes jouent un rôle actif dans certaines d’entre elles. Maintenant, il est important de faire comprendre aux participant.e.s que de telles structures peuvent être non seulement des instruments de protestation, temporaires, mais aussi des institutions permanentes d’autonomie.

II. Les manifestations : spontanéité forcée

Les compas racontent que lors des manifestations il n’y a presque pas de groupes politiques qui soient présents de façon visible. Les cortèges eux-mêmes sont largement spontanés. Même si l’initiative de l’événement et les idées concrètes du parcours des cortèges sont généralement proposées par le plus grand canal Telegram d’opposition, Nexta, sur le terrain les manifestant.e.s discutent souvent spontanément du le parcours à suivre. Parfois, le résultat dépend des suggestions qui sont criées le plus fort et avec le plus de confiance en soi.

D’un côté, ce phénomène marque une certaine indépendance de la protestation par rapport aux politiciens. D’un autre côté, on soupçonne que des agents provocateurs de la police utilisent parfois cette spontanéité pour diriger les cortèges dans des mauvaises directions ou vers des endroits où la police anti-émeute leur a tendu un piège.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les groupes politiques ne sont pas présents de manière visible. L’une d’entre elles est le niveau généralement faible des forces d’opposition en Biélorussie, à cause des années de répression.

Néanmoins, il y a une raison plus importante. Les anarchistes racontent que dès qu’elles/ils essayent de sortir leurs banderoles ou leurs drapeaux, la police anti-émeute frappe très vite, précisément sur eux/elles. Il est probable que cela arrive parce que des agents de police en civil, qui se trouvent parmi les manifestant.e.s, informent leurs « collègues » de l’apparition de certains groupes politiques. La raison de cela est claire : il s’agit d’empêcher toute influence politique organisée sur une masse spontanée de manifestant.e.s.

La spontanéité est le point de départ parfait pour un mouvement populaire indépendant. Mais pour une offensive finale contre le régime, certaines formes d’organisation sont absolument nécessaires. Trouverons-nous la voie vers de telles formes d’organisation ? C’est peut-être la question la plus décisive, dans la Biélorussie d’aujourd’hui.

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